Dans moins de cent jours, du 1er au 12 novembre prochain, se tiendra à Glasgow en Ecosse la 26e édition de la COP sur le climat. Une COP cruciale, que John Kerry, l’envoyé spécial pour le climat du président américain Joe Biden n’hésite pas à qualifier de « dernier espoir » si l’humanité veut atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée il y a six ans à Paris.
A savoir, limiter la hausse globale de la température terrestre à 2°, idéalement à 1,5°. On constatera à Glasgow que le compte est loin d’y être. Au rythme actuel, la plupart des spécialistes estiment en effet que l’augmentation due au réchauffement climatique devrait atteindre les 2,5°, voire les 3° dans les scénarios les plus pessimistes, à l’horizon 2040.
Pour le Congo, notre pays, un tel cauchemar climatique se traduirait par une température annuelle moyenne d’environ 28° (contre 25° aujourd’hui) avec des pics à plus de 40 degrés et, d’ici là, une multiplication des pluies d’intensité extrême, causes d’inondations et d’érosions majeures, ainsi qu’une augmentation progressive du niveau de la mer à Pointe-Noire allant jusqu’à 1,5 mètre, engloutissant une partie de notre littoral.
On peut, on doit espérer que les pays industrialisés gros émetteurs de gaz à effet de serre, qui du Canada à la Chine en passant par l’Europe du
Nord et la Russie ont connu ces dernières semaines des catastrophes climatiques meurtrières, prendront enfin conscience de leurs responsabilités et .. de leurs promesses non tenues. Car sur ce plan aussi, le compte n’y est pas.
Il y a six ans, à Paris, les pays membres du G7 s’étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour aider les pays en voie de développement à faire face aux conséquences d’une situation dont les premiers sont les responsables et les secondes, les principales victimes
(n’oublions pas que l’Afrique dans sa globalité ne représente que 2 à 3 % des émissions de gaz de la planète). Ces cent milliards sont considérés comme un montant plancher, lequel est loin, très loin d’être atteint.
En tant que pays leader de la Commission Climat du Bassin du Congo, que préside le chef de l’Etat Denis Sassou N’Guesso, la République du Congo se rendra à Glasgow la tête haute, forte de sa contribution nationale déterminée révisée et consciente de ses responsabilités, mais aussi avec un cahier de doléances qu’elle entend bien voir satisfaites. La tête haute ? Comment en serait-il autrement quand on sait que le Bassin du Congo représente un quart de la forêt tropicale du monde, avec le plus bas taux de déforestation de toutes les zones forestières majeures.
Comment en serait-il autrement quand on sait que depuis que le Bassin de l’Amazonie est devenu un émetteur net de gaz à effet de serre à cause des incendies et de la déforestation, le Bassin du Congo est aujourd’hui le plus gros capteur net de CO2 de la planète, jouant ainsi un rôle vital dans la
lutte contre le réchauffement climatique. Comment en serait-il autrement quand on sait qu’outre ses deux millions de kilomètres carrés de forêts, notre région dispose, à cheval entre le Congo et la RDC, d’une zone de tourbières qui à elle seule capture 31 gigatonnes de gaz, soit l’équivalent de cinq
années d’émissions des Etats-Unis d’Amérique. Cela, nous le rappellerons au monde à la COP 26 de Glasgow. Car si ce monde respire encore, c’est en partie grâce au Bassin du Congo.
La tête haute donc, mais aussi avec nos propres exigences, lesquelles se résument en une phrase, aidez nous à vous aider ! Il n’est pas normal en effet d’entendre encore, parmi les pays riches, certains nous dire : « mais pourquoi vous payez pour un processus naturel qui se fait sans vous ? », alors que
ce processus est le fruit de 40 ans de politique de conservation, le résultat de choix délibérés et surtout le produit de la vision des chefs d’Etats des pays du Bassin du Congo, en particulier de celle du président Denis Sassou N’Guesso, Il n’est pas normal non plus que le processus REDD, censé vérifier les réductions d’émissions et déboucher sur des financements, favorise les pays qui les réduisent le plus parce qu’ils ont en réalité déboisé massivement, au détriment de ceux qui, comme le Congo, affichent de faibles taux de réduction pour la bonne raison qu’ils ont su maintenir presque intact leur couvert forestier et donc émettent très peu de gaz à effet de serre.
La vertu ne doit plus être pénalisée et être payée pour le carbone que nous piégeons est la moindre des justices ! Il n’est pas normal enfin que sur le marché dérégulé des crédits carbone la tonne de carbone soit évaluée entre 30 et 50 dollars en Amérique et en Europe, contre à peine une dizaine de dollars en Afrique.
Tout cela doit changer. Tout comme doit cesser le discours accusatoire de certaines ONG, car on ne peut exiger de nous d’arrêter notre développement industriel, infrastructurel, minier sous prétexte que les pays riches et développés ont mené la planète au bord de la catastrophe ! Certes, le gouvernement de la République du Congo est conscient du fait que, comme le dit le président Denis Sassou N’Guesso, « notre développement sera durable ou ne sera pas ».
Nous savons que l’économie verte sera la « success story » de la décennie, avec 35 millions d’emplois liés dans le monde à l’horizon 2030 et que plus aucun investissement digne de ce nom ne se fera chez nous sans prendre en compte les exigences de la durabilité. C’est justement pour cela qu’a été lancé il y a un peu plus de quatre ans à Oyo le Fonds Bleu pour le Bassin du Congo. Ce véhicule financier désormais opérationnel, validé par un cabinet d’audit international et doté de près de trois cents projets précis de développement local et régional issus des contributions de ses douze Etats membres, sera présenté à la COP 26 de Glasgow à des fins d’abondement. De sa réussite dépend une partie de l’avenir de notre planète.
Arlette Soudan-Nonault
Ministre de l’Environnement, du Développement durable
et du Bassin du Congo
Source : www.adiac-congo.com